dimanche 30 janvier 2011

.Le colonel Driant et De Gaulle

Le lieutenant-colonel Driant (1855-1916),
auteur de science-fiction ou stratège empêché ?
par Frédéric Schwindt




Même s’il est encore bien présent dans la mémoire des Meusiens, le colonel Driant est aujourd’hui un peu oublié en France. Chaque année, la cérémonie organisée au nord de Verdun, au bois des Caures, là où il s’est sacrifié avec ses chasseurs, est d’autant plus émouvante que le calme et la sérénité de l’endroit font oublier le déluge de fer et de feu qui s’y est abattu le 21 février 1916. Les nancéens se souviennent qu’il a été député de la ville grâce à une place qui porte son nom près de la cathédrale. L’écrivain, auteur sous le pseudonyme de Danrit d’une trentaine de volumes à la façon de Jules Verne et qui fut très populaire avant guerre, s’est également effacé. Comme Balzac avec La Comédie Humaine, Driant avait conçu toute son œuvre sous la forme d’une série intitulée La Guerre de Demain .
De nombreuses publications lui ont néanmoins été consacrées ces dernières années dont l’excellente biographie de Daniel David . Plus récemment, « Les Bastions de l’Est de Boulanger à De Gaulle », préfacé par Philippe Séguin, ont permis de replacer le colonel Driant au milieu des écrivains et des hommes d’Etats français du début du XXe siècle, les Barrès, Poincaré et autres Lyautey, et d’évoquer leur rapport commun à la frontière . Plus pointus mais passionnants, les travaux de Gérald Sawicki sur l’espionnage franco-allemand ainsi que sur l’affaire Schnaebele, apportent une pièce important au décor .
Jusqu’ici, les historiens ou les critiques littéraires ont surtout étudié le militaire et l’écrivain voire, dans le cas de Daniel David, le rapport entre les deux. Mais le stratège a peu retenu l’attention d’autant que comme d’autres personnages ultérieurs, très connus à l’image De Gaulle ou inconnus du grand public comme David Galula, il est resté en marge de la réflexion stratégique dominante . A la lumière de l’engagement en Afghanistan, on a pourtant redécouvert, quarante ans après sa mort, la pertinence de la pensée de Galula sur la contre-insurrection. Il n’est peut-être donc pas trop tard pour Driant.
En général, un écrivain utilise sa vie dans ses romans. C’est vrai pour Driant qui transpose ses souvenirs de jeune lieutenant affecté au fort de Liouville, en Meuse, dans son premier ouvrage : « La Guerre de Forteresse ». C’est à cette occasion qu’il donne vie, pour la première fois, à son héros récurrent, Danrit. Mais l’inverse est vrai aussi car, par une suite de hasards, le colonel Driant a aussi vécu ses livres. Le 20 février 1916, à la veille du déclenchement de la bataille de Verdun, alors qu’il vient de recevoir la visite de Joffre, il adresse à sa femme ce dernier courrier où il se montre résigné quant à son sort. Il sait ce que lui et surtout ses chasseurs vont subir dans les heures à venir :

« Je ne t'écris que quelques lignes hâtives, car je monte là-haut, encourager tout mon monde, voir les derniers préparatifs ; l'ordre du général Bapst que je t'envoie, la visite de Joffre, hier, prouvent que l'heure est proche et au fond, j'éprouve une satisfaction à voir que je ne me suis pas trompé en annonçant il y a un mois ce qui arrive, par l'ordre du bataillon que je t'ai envoyé. A la grâce de Dieu ! Vois-tu, je ferai de mon mieux et je me sens très calme. J'ai toujours eu une telle chance que j'y crois encore pour cette fois.
Leur assaut peut avoir lieu cette nuit comme il peut encore reculer de plusieurs jours. Mais il est certain. Notre bois aura ses premières tranchées prises dès les premières minutes, car ils y emploieront flammes et gaz. Nous le savons, par un prisonnier de ce matin. Mes pauvres bataillons si épargnés jusqu'ici ! Enfin, eux aussi ont eu de la chance jusqu'à présent… Qui sait! Mais comme on se sent peu de choses à ces heures là. »

Driant écrit avec les mots de La Hire (1390-1443), compagnon fidèle de Jeanne d’Arc qui, sur son lit de mort, affirmait lui aussi qu’il avait fait ce qu’il avait pu ! Mais, consciemment ou inconsciemment, il reprend aussi les premières pages de « La Guerre de Forteresse », où il affirmait déjà qu’il avait toujours eu beaucoup de chances. En Tunisie, territoire où le jeune officier a servi et qu’il a tant aimé, on aurait appelé cela la baraka… Tant comme soldat que comme écrivain, Driant / Danrit se concevait en effet et d’abord au service de la France.

UNE VIE AU SERVICE DE LA FRANCE.

Une vocation militaire.
Emile Driant est né le 11 septembre 1855 à Neufchâtel-sur-Aisne, en Champagne, où son père était notaire et juge de paix. S’il appartient à la petite bourgeoisie de province, il ne dispose pas d’une énorme fortune. Ecrire sera donc pour lui aussi un métier à une époque où la solde des officiers était très modeste et ne suffisait pas, loin s’en faut, à tenir son rang. Les règlements quant au mariage des officiers étaient donc très précis afin garantir aux officiers des revenus conséquents grâce à la dot des heureuses épousées. Après sa démission de 1905, l’écriture deviendra une profession à plein temps lui permettant de faire vivre sa famille. Et même devenu député en 1910, il en tirera toujours l’essentiel de ses revenus, la notion de rémunération des élus étant encore pour l’essentiel une notion…
Adolescent en 1870, comme Raymond Poincaré à Bar-le-Duc (né en 1860) ou Maurice Barrès à Charmes (né en 1862), il a vu passer les troupes prussiennes et a subit personnellement l’occupation. Tous trois livrent naturellement des témoignages similaires :

« J’ai dans la mémoire la vision très nette de bataillons comme ceux qui passent en ce moment, casque en tête ; ils se succédaient jour et nuit devant la porte de mes parents. C’était à Neuchâtel, aux portes de Reims. Ceux-là revenaient de Sedan. J’avais quinze ans et je comprenais. Aujourd’hui, quand j’entends les jeunes s’égarer dans les rêveries humanitaristes, je me dis : S’ils avaient vu cela ! »

On comprend l’origine de sa vocation militaire et de son amitié future avec Barrès, son collègue à l’Assemblée Nationale, ou avec Déroulède, le chantre de la Ligue des Patriotes. Cette vision de défaite fait d’ailleurs écho dans son esprit à un autre évènement issu de la tradition familiale et que Driant immortalisera dans on œuvre littéraire. En 1814, son grand-père avait entrevu Napoléon et même touché sa redingote.

« Le vieillard avait vu le Grand Homme passer un jour à cheval, dans la rue de Vesle, à Reims, calme sur son cheval blanc, alors qu’autour de lui s’accumulaient les armées prussiennes (…) Tous ces mystérieux enthousiasmes, qui avaient vibré dans l’âme française pendant vingt ans, se retrouvaient, sous la forme d’un culte presque religieux dans son esprit. »

Malgré ses critiques parfois virulentes de la IIIe République et du régime parlementaire et comme pour Barrès qui acceptait l’héritage de la Révolution, cet évènement à lui seul a suffit à vacciner Emile Driant contre le Nationalisme Intégral et le combat pour la Monarchie d’un Maurras.
Elève au lycée de Reims, il obtient un premier prix d’Histoire au Concours Général. Mais alors que son père aurait aimé le voir lui succéder dans son étude, il veut être soldat, sans doute une conséquence des images de 1870 si profondément imprimées dans son cerveau qu’il y revient constamment dans ses livres, notamment dans « La Guerre de Forteresse », premier volume de « La Guerre de Demain », son premier ouvrage publié en feuilleton à partir de 1888. C’est son double Danrit, commandant en second d’une compagnie du 54e RI chargé de tenir le fort Liouville, qui parle au moment où la guerre éclate :

« Sorti de Saint-Cyr en 1877, j’étais encore enfant quand les corps d’armée germains étaient passés, se succédant sans interruption, dans ce petit village de Neufchâtel, près de Reims, sur la route de Paris. Et je me souvenais qu’alors, furieux de mon impuissance et de ma jeunesse, je m’étais juré de grandir bien vite et d’être officier pour le jour de la revanche… et ce jour était venu. Enfin ! (La Guerre de Forteresse, Flammarion, 1888, p.12).

Après une double licence en lettres et en droit, Driant intègre en effet Saint-Cyr en 1875 et il en sort dans la botte, 4e en 1877. Petit mais très doué pour l’équitation, selon ses instructeurs, il choisit pourtant l’infanterie. Très bien noté, il est promis aux plus hauts postes de la hiérarchie militaire et, comme c’est le cas à l’époque, c’est aux colonies, plus précisément dans le protectorat de Tunisie, qu’il fait ses premières armes. Aspect moins connu, il passe aussi par la Meuse.
A l’époque de Boulanger, Driant aurait été chargé de discrètes missions d’inspection sur la frontière. Mais déjà en début de carrière, il avait affecté à Saint-Mihiel, alors grosse de garnison et QG de division. Là, il exécute des relevés topographiques avant de rejoindre le fort de Liouville. Plus tard, élu député de la Meurthe & Moselle, il s’intéresse beaucoup au secteur fortifié de Toul qui poursuit au sud-est celui de Verdun. Constamment, sa carrière ramène donc le soldat-écrivain vers la Meuse et la Lorraine qui apparaissent naturellement dans ses romans. C’est entre Saint-Mihiel et Apremont et notamment au fort de Liouville que se déroule son premier livre. C’est aussi à Verdun que le héros des « Robinsons de l’air » est en poste et c’est en Argonne que commence son périple vers le pôle narré par Danrit en 1908.

Aspiration / Inspiration.
Un peu comme De Gaulle qui multiplie les publications après son passage au cabinet du maréchal Pétain, « La France et son Armée » par exemple, et au secrétariat général à la guerre, époque où il rédige « Vers l’armée de métier », l’écriture de la « Guerre de Demain » entre 1888 et 1892, traduit toute l’expérience accumulée par Driant auprès d’un personnage controversé : le général Boulanger. Comme pour De Gaulle, cette période marque aussi un brutal arrêt dans sa progression de carrière. En 1884, Emile Driant est en effet affecté comme officier d’ordonnance auprès du général Boulanger, alors commandant la division stationnée en Tunisie, et il le suit à Paris lorsque celui-ci est nommé ministre de la guerre en 1886. A ce poste, il se limite à des fonctions exclusivement militaires et ne touche en rien à la politique mais cela lui sera pourtant plus tard reproché.
La geste du brav’général Boulanger évoquée dans la chanson populaire, « En revenant de la revue », est bien connue. Il a d’abord été poussé par les Radicaux dont Clemenceau avant de devenir le point de ralliement des extrêmes, l’extrême droite royaliste ou nationaliste et l’extrême gauche blanquiste. Rappelons que Maurice Barrès qui a été député boulangiste de Nancy, siégeait à cette époque à l’extrême gauche de la Chambre des députés et avait un suppléant ancien blanquiste et dit-on communard.
On sait aujourd’hui que Boulanger n’a pas été cet idiot décrit par Clemenceau ou ce va-t-en guerre qu’on a voulu voir en lui, notamment au moment de l’affaire Schnaebele. Au cabinet du ministre, Driant se serait chargé des fortifications mais aussi du renseignement. D’une certaine manière, « La Guerre de Demain » est donc une défense et illustration des thèses de Boulanger contre celles des Républicains Opportunistes.


« La Guerre de Forteresse » (1888)

Au plus près de tout ce qui se fait de mieux…
Dans le roman, Danrit raconte à la première personne une invasion allemande. Il montre d’abord qu’une invasion soudaine est possible et il n’hésite pas à utiliser le terme de « viol » - nous ne sommes rappelons-le qu’en 1888-1892 - pour décrire le passage des troupes allemande à travers la Belgique neutre. Comme toujours en science ou en politique fiction, cette guerre se situe dans un futur imprécis mais l’auteur évoque fréquemment l’année 1886, justement celle où l’action de Boulanger a été décisive. Le roman présente même d’une manière concrète les avancées attribuées au ministre de la guerre : renforcement des fortifications afin d’abriter les troupes de couverture qui doivent protéger la mobilisation, accélération de la mise en service du fusil Lebel ou des obus à la mélinite et, ce qui est moins connu, financement des recherches sur les ballons que Driant évoque aussi dans les « Robinsons de l’air ». Son passage au ministère lui a en effet permis de nouer des contacts avec tout ce que l’armée possède de plus avancé en matière de recherche.
Le roman nuance fortement l’image d’un Boulanger belliciste et partisan de l’offensive à outrance. Les dialogues entre les officiers du fort de Liouville comparent en effet l’avantage des stratégies qui font alors débat : offensive, défensive, défensive-offensive avant de conclure que l’important n’est pas là. En effet, qu’elle que soit l’option retenue, il faut d’abord réaliser la mobilisation, d’où l’importance des fortifications, de l’artillerie de forteresse et des troupes de couverture. Or, Boulanger a été le premier à réaliser et à réussir des exercices de mobilisation de grande ampleur et c’est justement ce qui a inquiété Bismarck,
Et puis la contre attaque vient, celle qui est narrée dans le deuxième tome de la trilogie, « La Guerre en rase campagne », écrit fictivement par Danrit à partir des notes d’un capitaine du 4e Spahi. C’est un régiment stationné en Tunisie que Driant connaît bien pour y avait effectué plusieurs temps de commandant.

Gendre de Boulanger.
Le 29 octobre 1887, Driant épouse à Paris la fille du général Boulanger qui venait de quitter le gouvernement et surtout d’être brutalement mis à la retraite. On ne peut pas qualifier Driant d’opportuniste car il devient le gendre du « Général Revanche » au moment même où son l’étoile pâlie. Exilé en Belgique, celui qui n’avait pas voulu marcher sur l’Elysée se suicide en 1891 sur la tombe de sa maîtresse. Clemenceau, qui n’est pas en mal d’un bon mot, dira qu’il est mort comme un sous-lieutenant. Pour tous, Driant n’en demeure pas moins le gendre d’un pestiféré. Or, paradoxalement, ce ne sont pas les Républicains modérés - les Ferry, Freycinet, Poincaré et consorts - qui étaient alors au pouvoir, qui vont vouloir se venger de lui mais les Radicaux qui avaient de prime abord encouragé la carrière et les premières initiatives du Général Revanche !!!

UNE CARRIERE BRISEE : L’ECRITURE ET LA POLITIQUE.

Pendant dix ans, jusqu’à la fin du siècle, la carrière d’Emile Driant se poursuit donc normalement. Nommé chef de bataillon en 1896, il est alors un des officiers les mieux notés de l’Armée Française. Systématiquement, il a été à chaque fois classé premier au tableau d’avancement et c’est encore le cas au début du siècle pour l’accession au grade de lieutenant-colonel et pour l’octroi d’un commandement. Pourtant, à partir de 1899, il est chaque année rayé du tableau d’avancement par les ministres successifs de la guerre et ceci malgré un document de l’Etat Major indiquant que rien ne s’oppose à sa promotion. Driant ne doit pas passer lieutenant-colonel, ni commander un régiment afin de ne jamais devenir général.

Le 1er bataillon de chasseurs à pied de Troyes (1899-1905).
C’est pourquoi, il demande un bataillon de chasseurs à pied, unité qui fait corps mais qui est dirigée par un simple commandant. Il obtient le 1er Bataillon de Chasseurs à Pied (BCP) de Troyes, rapidement surnommé « bataillon Driant » et dont il fait une unité d’élite. Il va passer six ans à Troyes, une période qui peut paraître fort longue comparé aux temps de commandement actuels de deux ans. Entre l’administration de son unité, les manœuvres, les marches de 150 kilomètres en tête de son unité (qui annoncent un Bigeard) et les mondanités propres à la vie de garnison, le commandant Driant qui est désormais un peu loin de Paris et des milieux décisionnels de la guerre, trouve tout naturellement un dérivatif dans l’écriture. Petite anecdote, Troyes et même Reims qui n’est pas si loin, jouent alors un rôle important dans la naissance de l’aviation, ce qui n’a pas pu ne pas exciter l’imagination de Danrit.


Le 1er BCP de Troyes

Un dérivatif dans l’écriture.
En six ans, il livre en effet pas moins de huit volumes . Il achève d’abord sa seconde trilogie : « Histoire d’une famille de Soldat ». « Filleuls de Napoléon » en 1900 puis « Petit Marsouin » en 1901 viennent compléter « Jean Tapin » paru en 1898. En 1902, c’est « Le drapeau des chasseurs à pied », un vibrant hommage rendu à son unité. Moins disponibles pour des recherches, Driant donne donc des ouvrages davantage historiques et moins lié à l’actualité. En pleine affaire Dreyfus, ils permettent néanmoins, avec un peu de recul et de précautions, d’affirmer la place que l’Armée doit jouer selon lui dans la société.
Dès 1902-1903, il revient pourtant à guerre fiction et notamment à la guerre sous-marine à l’occasion de sa troisième trilogie : « La Guerre Fatale » qui raconte une guerre franco-britannique. On a en effet largement oublié, grâce à l’entente cordiale de 1904, que notre plus gros ennemi potentiel était alors la « perfide Albion » et la guerre avait même failli éclater après l’affaire de Fachoda en 1898. Seul le renfort de l’alliance russe avait alors pu nous sortir de l’isolement diplomatique.
Driant propose en 1904 un roman d’aventure mais aussi de politique fiction intitulé « Evasion d'Empereur », qui raconte bien entendu comment Napoléon aurait pu quitter Sainte-Hélène à la barbe des Anglais. Simple parenthèse, sans doute pas parce Driant, violemment anglophobe, prépare en même temps un livre bien plus ambitieux et qui sera une de ses meilleures ventes, un ouvrage remis fréquemment comme prix de fin d’année dans les lycées. « Ordre du Tzar » relate la course de vitesse entre deux colonnes russes et britanniques, parties l’une d’Asie centrale et l’autre des Indes afin de s’emparer du Tibet. Bien sûr, les sujets du Tsar l’emportent grâce à un petit groupe de soldat français et leur dirigeable !

L’Affaire des Fiches.
Driant est barré pour l’accès aux postes les plus élevés de l’Armée. En 1892, il a déjà reçu huit jours d’arrêts pour avoir défendu la mémoire de son beau-père dans les colonnes du Figaro. A partir de l’arrivée au pouvoir d’une majorité radicale, en 1898, Sarrail qui a seulement un an de moins que lui et qui était moins bien classé obtient sans problème barrettes et commandements. Or ce dernier ne cache ni ses sympathies politiques pour la nouvelle majorité, ni ses amitiés dans le monde franc-maçon . Avant même que n’éclate officiellement l’affaire des fiches, elle affecte déjà la carrière de Driant.
Depuis 1899, le gouvernement du petit père Combes et du général André, ministre de la guerre auprès duquel sert Sarrail, a mis en place un système de notation parallèle des officiers avec l’aide des loges maçonniques. Les opinions des militaires - lesquels ne disposent pas alors du droit de vote - et notamment leurs opinions religieuses ou prétendues telles sont prises en comptes pour favoriser les officiers que l’on croit républicains et bloquer la carrière des autres. Les Etats Majors sont épurées de même que les grands commandements et les fiches servent aussi à déterminer le classement de sortie de l’Ecole de Guerre ou les listes d’aptitude à la fonction de général. De Castelnau, « le capucin botté », le futur vainqueur du Grand Couronné en 1914, est ainsi expulsé de son poste de directeur du premier bureau de l’Etat Major. Au début de la guerre, Joffre devra limoger pour incompétence 80 généraux promus à l’époque des fiches.
L’affaire éclate en 1904 et André démissionne mais le système continue néanmoins à fonctionner. Driant manifeste haut et fort son indignation devant les cadres de son bataillon. Il fait aussitôt l’objet d’un rappel à l’ordre et est rayé, une fois de plus du tableau d’avancement.
En 1905, il prend quinze d’arrêts simples pour avoir fait publier des notes personnelles dans la presse. En plein climat de Séparation des Eglises et de l’Etat, arrive la dernière affaire, celle de la célébration de la Sidi Brahim, la fête des chasseurs. A Troyes, elle commence par une messe à laquelle participe librement une partie du bataillon. Le général Berteaux, ministre de la guerre, demande des explications au commandant du XXe Corps. Les journaux s’emparent de l’évènement et publient la réponse du chef de corps du 1er BCP à son supérieur. Bilan : quinze jours d’arrêts de rigueur supplémentaires.
A 50 ans, le 31 décembre 1905, le chef d’escadron Emile Driant démissionne et quitte l’armée. Admis dans le cadre de réserve, il ne reçoit pas de commandant, comme il l’espérait, ni d’une unité de réserve, ni même d’une unité territoriale.

DEPUTE DE NANCY (1910-1916).

Driant devient écrivain à temps plein mais il ne se contente pas de défendre ses idées par les mots et le papier. Après un premier échec en région parisienne aux législatives de 1906, il se présente en 1910 à Nancy. Le choix de l’Est pour ce Champenois amoureux de la Tunisie pourrait sembler paradoxal mais il est tout à fait logique.

Au cœur des « Bastions de l’Est ».
Comme De Gaulle qui s’installe dans l’entre-deux guerres à Colombey, afin de demeurer à proximité des Bastions de l’Est et des grandes villes de garnison de la frontière, il y a chez Driant ce désir de s’implanter au cœur du dispositif français, à quelques dizaines de kilomètres seulement des territoires annexés. Dans la « Guerre de Forteresse », la brusque offensive allemande que narre le lieutenant Danrit se dirige en effet à la fois vers les côtes de Meuse et l’ensemble Nancy / Toul. En 1888, l’auteur plaçait déjà dans la bouche d’un vieil officier qui y avait assisté, le récit traumatisant de l’occupation de la ville en 1870 par un simple lieutenant prussien et quatre uhlans. Et puis, Driant avait été affecté quelques mois à Nancy avant de recevoir le commandement de son bataillon, c’est donc une cité qu’il connaît bien.


Emile Driant, député de Nancy (1910)

Barrès – Lyautey – Marin.
Il existe aussi une grande proximité entre Driant et trois personnages qui marquent alors, chacun à sa manière, la Meurthe & Moselle, la Lorraine et la France : Barrès, Lyautey et Louis Marin.
D’une certaine manière, Driant succède à Barrès qui a été au cours d’un unique mandat député de Nancy. Ce n’est peut-être donc pas pour rien qu’au début du siècle, notamment dans les « Robinsons de l’Air », Danrit fasse de multiples références implicites à l’auteur de « La Colline inspirée », notamment à sa prédilection pour la terre et les morts. Dans « Les Déracinés », Barrès parle lui-même abondement de Nancy. Le roman commence au lycée qui ne s’appelle pas encore Henri Poincaré et le professeur de philosophie devient député radical alors qu’un de ses élèves, sous les couleurs de Boulanger, est élu à Bar-le-Duc… On regrette, en tout cas, ce que Barrès aurait pu écrire pour accueillir Driant chez les Immortels de l’Académie Française.
Avec le propriétaire du château de Thorey, la filiation ou le compagnonnage idéologique est encore plus frappant. Driant et Lyautey sont de la même génération (1854-1934) puisqu’ils sont nés puis entré à Saint-Cyr à seulement une année de différence. Surtout, catholiques ralliés à la République, ils défendent une même idée du rôle social de l’officier que le « proconsul » du Maroc théorise dans ses essais et que Danrit diffuse dans ses romans . Enfin, ils ont en commun le goût de l’Orient qu’illustrent magnifiquement les pages de Driant sur la Tunisie, par exemple celles du début des « Robinsons sous-marins ».
Le dernier individu est aujourd’hui moins connu même s’il a été, en son temps, un personnage considérable de la IIIe République. Président de l’Alliance Républicaine et dirigeant à une époque de tout le centre droit, il fut même un des rares esprits éclairés, avec Georges Mandel, à voir venir les périls des années 30. De Gaulle espéra même longtemps le voir venir à Londres. Et bien, ils sont élus ensemble à Nancy en 1910, année où quatre députés de droite, ce qui ne s’était jamais vu depuis 1871, représentent la Meurthe & Moselle à la Chambre.
Là se trouve, semble-t-il, une raison supplémentaire du choix de l’Est. L’année 1910 symbolise une évolution politique aujourd’hui bien connue et qui fut illustrée à l’époque par l’enquête Agathon, vrai-faux sondage en direction de la jeunesse, due à un journaliste et à un écrivain en herbe, qui révéla la profonde poussée nationaliste alors à l’œuvre dans l’opinion. C’est l’époque de l’engagement d’Ernest Psichari ou de la conversion patriotique de Charles Péguy.

« Vers un Nouveau Sedan » (1906).
Aussi les adversaires de Driant, les Radicaux notamment, ne voient en lui qu’un « candidat exotique » et donc peu dangereux lorsque la campagne commence. Dans leur presse, ils tirent à boulet rouge contre lui, ressortent l’épisode Boulanger et l’accusent – c’est le comble - d’antipatriotisme. Dès son départ de l’Armée, Driant a en effet entrepris la rédaction d’un essai, publié en 1906 et qui s’intitule : « Vers un nouveau Sedan ». Il est issu d’une série d’articles qui lui avaient été commandés à l’occasion des grandes manœuvres de l’armée allemande, manœuvres que l’ex-commandant était allé voir sur place. Or, l’ouvrage, très rapidement traduit en allemand, avait été trouvé « hochinteressant » par la critique d’outre-rhin, d’où l’accusation de la presse nancéenne contre son prétendu défaitisme.
Ce livre qui se veut une analyse des erreurs commises quant à la préparation de la guerre future est le pendant direct des romans dont les dialogues illustrent les polémiques contemporaines. Dans le prologue de « Vers un nouveau Sedan », Driant explique d’ailleurs que « La guerre de Demain », qu’il rédige depuis dix-huit ans, n’est pas seulement sa première trilogie mais l’ensemble de son œuvre. L’essai ressemble néanmoins, par bien des aspects, à « La discorde chez ennemi », essai d’analyse politico-militaire sur les causes de la défaite allemande de 1918 qui sera, à la génération suivante, le premier livre du capitaine De Gaulle.

« Vers un Nouveau Sedan » (1906) – « La Discorde chez l’Ennemi » (1924)

Catholicisme Social.
Emile Driant devient donc député en 1910 et, s’il s’inscrit à droite, c’est finalement dans le groupe relativement modéré de l’Action Libérale . C’est alors le principal mouvement d’opposition avec un groupe parlementaire qui oscille entre 60 et 80 députés. Driant appartient à la tendance majoritaire qui représente ces catholiques, comme Jacques Piou ou Albert de Mun, qui se sont ralliés à la République après les déclarations de Léon XIII et le célèbre « toast » d’Alger de monseigneur Lavigerie. Comme le père du général De Gaulle, ancien légitimiste, Driant peut alors passer pour un Républicain de raison. Comme chez Barrès, son acceptation des acquis de la Révolution et surtout de l’Empire (voir ses romans) le sépare irrémédiablement de l’Action Française et de Maurras. S’il n’est pas à proprement parlé démocrate chrétien, le mot n’existe pas encore, il fréquente néanmoins au sein de l’Action Libérale des émules de Marc Sangnier qui ont participé à l’aventure du Sillon. La somme d’Alain Larcan sur les origines intellectuelles du chef de la France Libre souligne aussi abondement cette parenté intellectuelle . Au début du siècle, Driant s’est beaucoup intéressé aux différents mouvements qui voulaient rapprocher l’Eglise et le monde ouvrier ou associer le capital et le travail, lointaine annonciation de la notion de participation chère au fondateur de la Ve République, et il a voté toutes les lois sociales importantes. C’est d’ailleurs son principal centre d’intérêt à la Chambre après les questions militaires.

De L’Alerte à l’Alarme.

A la suite de la vague anarchiste qui a frappé la France à la fin du siècle précédent, de la Révolution ratée de 1905 en Russie et du développement du syndicalisme révolutionnaire, Driant commence à exploiter la veine de la politique fiction. Au moment même où il se lance en politique, il livre une série de romans qu’il désavouera d’ailleurs au début de la guerre, dans la fièvre de l’Union Sacrée, un peu comme le fera Barrès regrettant ses propos antisémites avec « Les différentes familles spirituelles de la France ».
Dans « La Grève de demain » ou « La Révolution de demain » en 1909 et « L'Alerte » en 1910, Emile Driant croît en la possibilité de la grève générale et d’un possible coup de force révolutionnaire, aidé ou pas d’une cinquième colonne ennemie. Le député Driant s’est en effet beaucoup documenté sur la question et il a suivi le développement des syndicats jaunes liés au patronat qui tentaient alors de briser l’élan du syndicalisme révolutionnaire.


« L’Alerte » (1910)

Lieu commun de ce début de siècle, il fait des instituteurs - évidemment tous républicains, laïcs, francs-maçons, socialistes et pacifiste - les principaux fauteurs de troubles, une position qu’il révisera dans les tous derniers jours de sa vie lorsque, dans les tranchées du bois des Caures, au milieu de ses chasseurs, il corrigera les épreuves de la réédition des « Robinsons Souterrains ». Dans l’édition de 1913, le rôle du traitre était joué par un instituteur mais, témoin du sacrifice de nombreux enseignants en 1914, Driant fit disparaître le personnage. Au-delà de l’anecdote, ce fait démontre que la gauche comme la droite partageaient alors les mêmes mythes, pour les souhaiter ou pour les craindre : celui de la grève générale ou du pacifisme et ceux relatifs aux hussards noirs de la République…
Sans aller jusqu’à Galula, l’intérêt pour l’insurrection et la contre insurrection est logique chez un officier qui, dans sa carrière opérationnelle en Tunisie, a été affecté à des tâches de pacification. Il s’est sans aucun doute tenu informé de la révolte des Boxers en Chine ou de la guerre contre les Boers en Afrique du Sud voire des campagnes moins connues menées par les Britanniques en Asie du sud-est qui préfigurent les luttes de contre insurrection de la Guerre Froide. Même si la Revanche est centrale chez Danrit, les derniers romans laissent de plus en plus de place aux « petites guerres » et au fanatisme religieux évoqué dès 1894 dans « l’Invasion Noire » . Pourtant, avec Foch comme professeur de stratégie à l’Ecole de Guerre, l’Etat Major s’intéresse alors surtout au théâtre européen, à la guerre classique et aux campagnes napoléoniennes. Et puis l’offensive à outrance, « la seule stratégie qui soit vraiment française », est érigée, elle aussi, en véritable mythe national. La position de Driant est donc assez originale au sein de la pensée militaire de ce début du siècle.
Et puis arrive juin 1914, Sarajevo, déjà, et la mobilisation. Son âge, 59 ans, et son mandat parlementaire auraient pu lui permettre d’éviter un conflit qu’il avait tant de fois pressenti et annoncé. Il aurait aussi pu intégrer les rouages administratifs voire profiter de l’Union Sacré pour entrer au gouvernement. La guerre lève de toute façon l’interdit qui le frappait. Comme André Maginot et Abel Ferry, il fait aussitôt acte de volontariat et reçoit le commandement d’abord d’un bataillon de chasseurs puis de deux. Il obtient enfin la 5e barrette de lieutenant-colonel. Ce n’est plus du roman, c’est la guerre !

UN JULES VERNE MILITAIRE.
Le surnom de « Jules Verne militaire » est emprunté à Daniel David. Jules Verne qui a connu son premier succès, « Cinq semaines en ballon » en 1862, est mort à Amiens en 1904 mais son œuvre est poursuivi par de nombreux successeurs comme Paul d’Ivois ou Danrit. Comme à son époque, les ouvrages sont d’abord publiés en feuilletons dans un journal ou une revue avant de sortir en grands formats. Les amateurs trouvent chez Flammarion la belle édition à reliure rouge qui rappelle effectivement les « Voyages Extraordinaires ». Très illustrée, en général par Dutriac, ces volumes sont très recherchés aujourd’hui par les collectionneurs. Une version avec une reliure unie moins coûteuse, fréquemment remise comme prix de fin d’année dans les lycées, était aussi proposée. Mais le lecteur pouvait aussi faire relier la publication en fascicule. Après la guerre, la plupart des romans sortiront enfin en poche.


« Les Robinsons de l’Air » (1908) – « Les Robinsons sous-marins » (1908)

Des romans au schéma classique.
Les romans de Danrit possèdent pour la plupart un schéma classique. Prenons l’exemple des « Robinsons de l’Air ». Apparemment, ces livres s’adressent comme chez Jules Verne, à un jeune public. D’ailleurs, dans la préface de ses romans, Driant ne cache pas son désir de mobiliser la jeunesse et il en est remercié par l’Académie Française lorsque celle-ci lui remet un prix pour « La Guerre de Forteresse ». Il s’agit bien sûr de vulgariser les dernières découvertes de la science ou de la géographie et de traiter des thèmes d’actualité. « Au dessus du continent noir », en 1912, constitue ainsi une relecture de l’aventure de la colonne Marchand en 1898 mais avec les acquis plus récents de l’aviation.
Les livres reposent toujours sur un personnage central, jeune officier ou ingénieur, généralement d’extraction modeste, arrivé par l’étude et le travail et habité par le sens du service. Placé devant des circonstances extraordinaires, il va devoir s’interroger sur ce que commande son devoir. Et il va rencontrer une jolie personne, plutôt de belle naissance et donc au départ inaccessible mais qu’il va conquérir par ses vertus. La trame sentimentale demeure donc très conventionnelle et conforme aux normes morales de la Belle Epoque.

Une même veine : les romans synoptiques.
La filiation avec Jules Verne est tellement évidente que les thèmes de plusieurs romans sont identiques : « Robur-le-Conquérant » et « Robinsons de l’Air » ou « Michel Strogoff » et « Courrier du Tzar ». On retrouve de la même manière la conquête coloniale ou les explorations polaires dans de nombreux ouvrages des deux auteurs mais il s’agit là de sujets d’actualité communs à l’époque. Certaines scènes sont enfin très voisines, ainsi « L’Aviateur du pacifique » débute par le torpillage du cargo du héros, lequel dérive sur un radeau avant d’être recueilli comme au début de « 20000 lieues sous les mers ».

Lien à l’actualité.
Mais comme c’est le cas très souvent en Science Fiction, l’anticipation n’est qu’un moyen détourner de parler du présent, ce qui peut être utile pour un officier soumis au devoir de réserve et à l’imprimatur de ses supérieurs. Dans « Le meilleur des monde », roman des années 1930, Aldous Huxley ne parle pas du futur mais, après un voyage dans la Russie stalinienne, de la montée des totalitarismes. Driant est donc pleinement dans le présent. Plusieurs de ses romans sont écrits d’ailleurs à chaud, dans l’évènement.


« L’Invasion Jaune » (1909)

Il rédige « Courrier du Tsar » pendant la révolution ratée de 1905 et embraye sur « L’Invasion jaune » alors que la défaite russe contre les Japonais est encore un sujet brulant. Plusieurs ouvrages sont enfin dédiés à des officiers ou à des ingénieurs, voire à des équipages entiers qui sont se sacrifiés en expérimentant un sous-marin ou un ballon. La série des Robinsons arrivent ainsi juste après des catastrophes aériennes ou des naufrages qui ont fait polémique au point que des campagnes de presse ont été menées contre les gouvernements qui avaient pu dépenser de telles sommes pour rien… On voit bien où allait l’argumentation de Driant.

La science et la technique.
C’est que Driant, depuis son passage au cabinet de Boulanger, était en contact avec tout ce qui se faisait de mieux dans l’Armée en matière de « nouvelles technologies ». En 1887, Boulanger avait par exemple donné un sérieux coup de fouet et surtout un budget à l’établissement aéronautique de l’armée à Meudon ou furent ensuite essayés les dirigeables « France » et « République » dont Danrit parle avec emphase. Le héros des « Robinsons de l’air » est ainsi un jeune lieutenant polytechnicien formé à Meudon qui vient d’être affecté à Verdun. Cela n’empêche pourtant pas Driant d’imaginer des machines futuristes comme ce dirigeable hybride de ballon et d’avion de « Courrier du Tsar » ou le caloriphone, un téléphone fonctionnant sur la base de la transmission de chaleur de la « Guerre de forteresse », qui n’a pas de réalité en 1888 mais qui annonce la fibre optique et le laser.
Mais même le plus « imaginatif » des récits de Danrit, les « Robinsons de l’Air », a trouvé un aboutissement dans les années 1920 avec la première traversée aérienne du pôle nord réalisée par Umberto Nobile et Roald Amundsen, quasiment sur la route prévue dans le livre. Chose amusante, Driant prévoyait une expédition commune franco – Américano - Norvégienne, la France fut juste dans les faits remplacée par l’Italie.

Le propre de Driant.
Les préoccupations politiques ne sont pas absentes des livres de Jules Verne. « Les naufragés du Jonathan » aborde le thème du socialisme utopique, « Un drame en Livonie » celle de la Russification et de l’autodétermination mais il demeure un doute profond sur ses intentions parce que les romans de la fin de sa vie ont été profondément remaniés par son fils Pierre. Et si les deux auteurs sont attirés par la Russie, ils sont opposés sur la question de l’Angleterre et de l’Allemagne. Verne déteste l’Allemagne qu’il a combattu en 1870 comme garde côte et l’Autriche-Hongrie qui persécute Mathias Sandorf, son Monte Christo dalmate. Mais il admire le Royaume Uni de Phileas Fogg. Question d’époque sans doute car, au début du XXe siècle, la question de la Revanche s’est provisoirement assoupie alors que l’affaire de Fachoda a sérieusement compliqué les relations franco-britannique. Celles-ci avaient pourtant été excellentes au début de la carrière de Verne, lorsque l’empereur Napoléon III avait signé un accord de libre échange avec Victoria. L’alliance franco-russe a encore accru la tension, du moins au début, car l’Empire du Tsar et celui de Victoria, impératrice des Indes en Asie Centrale et en Perse.
Il serait caricatural d’opposer Jules Verne, vulgarisateur de la science et des voyages, et Driant, simple auteur militaire. Verne a lu et il cite même des auteurs militaires comme Ardant du Picq et il s’est lui-même beaucoup intéressé aux conflits : dans « Nord et Sud » par exemple, où il décrit la guerre de sécession américaine, ou dans « Les 500 millions de la Bégum » où il décrit le militarisme prussien. Plusieurs livres laissent même apparaître en filigrane les révoltes coloniales. Nemo lui-même, victime des Britanniques qui ont massacré sa famille aux Indes, est un héros semi-positif de révolutionnaire romantique. Mais derrière l’humour des premières pages de « De la Terre à la Lune », se cache une violente charge contre la guerre et, au sens propre comme au sens figuré, des marchands de canons. Et puis, dans la dernière partie de sa vie, l’œuvre de Jules Verne se fait plus sombre. Il s’écarte de ce scientisme du Second Empire, sa grande époque et celle de Pasteur, où on croyait au progrès irrémédiable des sociétés et à la science réglant tous les problèmes.
Au début du XXe siècle, l’illusion s’est en partie évaporée et l’irrationnel revient sur le devant de la scène. Freud, Nietzche et Alan Kardec sont passés par là et Claudel a redécouvert la foi derrière son pilier de Notre-Dame. « Le secret de Wilhelm Storitz » de Jules Verne qui est basé sur la possibilité de créer des hologrammes, emprunte ainsi autant aux frères lumières qu’au spiritisme et à une ambiance qui n’est pas sans rappeler Mary Shelley et Frankenstein.
Driant, lui, décrit la chose militaire de l’intérieur et il s’intéresse à la psychologie, la grande découverte du moment, tant ce qui fait agir les individus, que ce qui mobilise les masses. Gustave le Bon et sa « Psychologie des foules » ne sont pas loin et on comprend l’intérêt du député de Nancy pour les phénomènes révolutionnaires

UN ROMANCIER OU UN STRATEGE ?

Emile Driant, alias capitaine Danrit, est-il donc un véritable écrivain ou un politologue, un stratège voire un géo-stratège qui aurait été empêché de s’exprimer et qui aurait trouvé un exutoire dans la fiction ? Certes, à part « Vers un nouveau Sedan », il n’a pas produit d’essais, ni de traités. Mais il prononce de nombreux discours, un peu partout en France, et la presse s’en fait souvent l’écho. Il écrit aussi dans des Revues Militaires et a été instructeur à Saint-Cyr. A l’inverse, reçu haut la main à l’entrée de l’Ecole de Guerre, il n’a pas fini pour une raison non élucidée et n’a donc pas été breveté…
A la même époque, des auteurs civils mais surtout militaires, venus de la géographie ou des sciences politiques, sont en train de fonder en Allemagne la « géopolitique ». Mais à Saint-Cyr où la géographie est pourtant une matière essentielle, on se contente surtout de la géographie physique et dans un but de tactique et non pas de stratégie. Driant y excellait et, lors de sa première affectation à Saint-Mihiel, il a effectué beaucoup de relevés topographiques. Il connaît donc parfaitement le terrain de « La Guerre de Forteresse ».
Toutes les grandes questions du moment sont cependant évoquées à un moment ou à un autre de la série. En empruntant à tous les romans, on peut classer les centres d’intérêts du capitaine Danrit en trois domaines : la géopolitique en tant que telle, le progrès de l’armement et son impact sur la théorie militaire et enfin la question des plans.

La géopolitique.

Le commandant Driant parle avec enthousiasme de l’alliance franco-russe dans « Courriers du Tsar » mais « l’Alerte » montre qu’il n’est pas dupe du rouleau compresseur. Déjà dans la « Guerre de Demain », l’alliance de revers avait uniquement pour but d’empêcher une attaque brusquée de l’Allemagne contre la France et de faciliter la mobilisation de ce côté-ci des Vosges. Le roman s’organise néanmoins autour du thème récurrent de la politique extérieur de l’empire des tsars et plus tard de l’Union Soviétique : l’accès aux mers chaudes. Certes, la Chine est oublié dans le livre mais Driant comprend très bien le rôle que va jouer plus tard le plateau tibétain et il a saisit la fonction charismatique du Dalaï Lama. L’auteur narre par exemple une tentative britannique de contrôler la désignation du souverain de cette grand théocratie himalayenne par la mainmise sur le Pantchen Lama, le deuxième personnage du Tibet . C’est exactement ce que les Chinois ont tenté de faire, d’abord à l’époque de Mao puis plus récemment lors de l’affaire dite des « enfants prisonniers politiques ».
Le livre le plus prophétique de Driant est sans doute « L’Aviateur du Pacifique » (1909) qui commence par une attaque sans déclaration de guerre préalable des Japonais sur Pearl Harbor et qui finit par une bataille navale autour de l’îlot de Midway prélude à un débarquement américain au Japon. L’auteur a bien sûr connaissance de la démonstration militaire que la flotte américaine a conduite dans le Pacifique au début du siècle à la demande de Teddy Roosevelt et des efforts de fortification entreprit à Midway afin d’en faire en centre de stockage de charbon permettant de doubler l’autonomie de ladite flotte. Il insiste en effet fortement sur la fonction maîtresse de la logistique dans les conflits futurs ! Le récit est cependant très proche des évènements de décembre 1941, jusqu’au discours du président des Etats-Unis devant le Congrès : « Et le Président des Etats-Unis, dans un message flétrissant la perfidie et la traitrise japonaise, annonça au peuple américain que l’état de guerre existait entre l’Amérique et le Japon » (Flammarion, 1909, p .388).


« L’Aviateur du Pacifique » (1909)

Cet amoureux du Maghreb ne pouvait pas rester insensible à L’Afrique. Deux romans, « Au dessus du continent noir » en 1912 et surtout « L’invasion noire » en 1894 prennent en 2011 l’allure d’une actualité brulante car, sur un fond de fanatisme religieux, ils racontent la prise en main des peuples sahéliens par le Proche-Orient arabe en vue d’une offensive vers l’Europe.

Armement et théories militaires.

Driant s’est régulièrement tenu au courant de l’évolution des armes mais surtout il en a tiré les conséquences dans le domaine de la théorie militaire.

L’évolution des armes.

Les premiers livres évoquent largement le sujet qui a occupé le devant de l’actualité dans les années 1880-1890, celui de l’artillerie et surtout des obus à la mélinite qui ont rendu obsolète les fortifications construites après 1871 . Le feu des batteries de campagne allemandes contre Liouville, narré dans la « Guerre de Forteresse », tient autant compte de ce qui a été vécu durant la guerre de Sécession et la guerre Franco - Prussienne que des expériences conduites depuis par l’armée française. Mais Driant a aussi imaginé l’emploi massif des gaz de combat afin de stopper l’Invasion Noire sous les murs de Paris même si leurs effets s’apparentent davantage à ceux d’une arme atomique. Deux ans avant le début des combats à Vauquois, il décrit également la guerre des mines dans « Les Robinsons Souterrains », en s’inspirant du précédent fameux de Sébastopol, durant la guerre de Crimée, un évènement qu’il avait déjà évoqué dans son premier roman.


« Les Robinsons souterrains » (1913) – Le site de Vauquois (2010)

L’évolution du matériel.

Les conceptions de Driant sont relativement classiques en matière de forteresse même s’il décrit largement les travaux rendus nécessaires par l’évolution des explosifs et des obus torpilles. Les fortifications sont utiles afin de se parer à une attaque brusquée de l’ennemi, le temps nécessaire à la mobilisation, mais il faut que les troupes de couverture viennent boucher les espaces libres entre les forts et qu’elles puissent y manœuvrer. Ces conditions avaient mal été remplies au début de la « Guerre de Forteresse » causant l’isolement du fort.
Driant n’a pas l’a priori de Foch pour qui l’aviation n’avait avant guerre aucun avenir militaire. Il est au contraire fasciné par les ballons, les avions et les sous-marins et sans nul doute aurait-il rêvé d’être le lieutenant des « Robinsons de l’Air ». Les « Robinsons sous-marin » commencent quant à eux par le non respect du règlement militaire lorsque le capitaine du bâtiment autorise son meilleur ami, officier terrien, à monter à bord pour ce qu’ils croient devoir être un court exercice en mer. Driant aurait pu être ce militaire là.


Plaque en l’honneur du capitaine Ferrier à la Tour Eiffel

Plus intéressant est l’intérêt de l’auteur pour la communication entre les armes et les armées, un sujet encore d’actualité une génération plus tard au moment de la rédaction de « Vers l’Armée de Métier » par De Gaulle. C’est une question importante à une époque où la marine et l’armée de terre vivent dans deux mondes séparée. N’oublions pas qu’en 1940, l’Etat Major n’avait jugé nécessaire d’équiper les chars français de radio… Dans « La Guerre Fatale », la victoire finale contre la perfide Albion n’est rendue possible que par une fine coordination de la Marine et de l’Armée de Terre. Mais Danrit évoque aussi la nécessité d’une communication en temps réel entre l’artillerie, l’infanterie et ce qui n’est pas encore l’aviation. Or, il connaît bien les travaux du capitaine Ferrier, promoteur de l’usage de la TSF militaire, auquel il rend hommage dans « L’Aviateur du Pacifique ». Des expériences ont été menées dès 1898 sur la tour Eiffel et un poste permanent y a même été installé par l’Armée. Or, c’est parce que Joffre a été informé par radio des renseignements obtenu par un avion d’observation que la victoire de la Marne a pu être possible en 1914.

L’évolution de la guerre.

Bien avant les généraux promus à l’occasion de l’affaire des fiches et que Joffre devra limoger en masse, Driant s’est rendu compte que l’augmentation massive de la puissance de feu tue… Les pertes effroyables dues en 1914 aux mitrailleuses ennemies dans des rangs français en pantalons rouges chargeant au pas et au sifflet n’ont pas surpris l’auteur de « La Guerre de Demain » qui était quant-à lui très soigneux de ses hommes !
Dans la ligne droite du développement de la TSF militaire et des autres inventions plus ou moins imaginaires en matière de télécommunication, caloriphone ou dirigeable changeant de couleur, Danrit envisage tout naturellement la guerre électronique. Pour couvrir leur invasion des îles Hawaï, les Japonais du roman de Driant avaient prévu un réseau de chalutiers munies d’antennes chargés d’écouter puis de brouiller les communications de la flotte américaine, ce que les marins soviétiques sauront très bien faire durant la Guerre Froide.
Dans « Au dessus du Continent Noir », le commandant écrivain pose le problème du contrôle des armements dans une économie libérale en s’appuyant sur un fait divers réel, la revente par la France d’un stock de fusils obsolètes qui se retrouve quelques temps plus tard dans les mains de tribus africaines révoltées contre elle. A travers « L’Invasion Jaune », il conceptualise aussi l’idée de guerre économique voire d’intelligence économique, des notions qui sont apparues tardivement dans la pensée stratégique française .

Les plans chez Driant.

Les conflits racontés par Danrit commencent toujours sans déclaration de guerre par une attaque brusquée, ce qui avait été effectivement le cas en 1905, longtemps avant Pearl Harbor, lors de l’attaque japonaise contre la Russie en Extrême-Orient. La perfidie allemande, japonaise ou britannique est même le thème récurrent des grandes trilogies. Les Prussiens envahissent en une nuit la Lorraine pour venir butter contre les côtes de Meuse, les Japonais attaquent Pearl Harbor au petit matin et les Anglais coulent sans crier gare nos bâtiment en rade de Bizerte, un évènement qui annonce fidèlement Mers-el-Kébir. En revanche, la contre-attaque bleu blanc rouge est méthodique. Les Britanniques ont oublié les sous-marins français comme les Japonais les porte-avions américains en 1941 et ceux-ci détruisent les cuirassés de sa majesté dans la Manche avant que, grâce à une excellente coordination, l’armée de terre ne débarque sur les plages anglaises sous la forme d’une opération Overlord à l’envers.
Le thème de la mobilisation est de la disposition des troupes de couverture est central dans les grands romans. Le plan de mobilisation français, qui avait été désastreux en 1870, mais aussi les avancées imposées par Boulanger dans ce domaine se trouvent donc en arrière plan de « La Guerre de Demain ». « La Mobilisation Sino-Japonaise », le premier volume de « l’Invasion Jaune » est tout entier consacré aussi à ce thème.
Les grandes trilogies mais aussi la série vue dans son ensemble prouvent que Driant a tout de suite envisagé la possibilité d’une guerre mondiale ou la Russie, les Etats-Unis, le Japon, la Chine seraient présents, ce qui ne va pas de soi en ce début de XXe siècle alors que l’Europe, sûre d’elle-même et méprisante, se voit encore pour longtemps au centre du monde. De même, l’accent mis sur l’espace arabo-musulman et sur le Proche-Orient n’aurait sans doute pas, quelques années plus tard, été désavoué par le colonel Lawrence.
« L’Invasion Jaune » est une guerre totale qui ne porte pas son nom, puisque ce terme n’existe pas encore. Le conflit est d’ampleur mondiale, l’Asie déferle comme au Moyen Age sur l’Europe, et les armées déploient des millions d’hommes. Mais la guerre est d’abord économique et financière, elle s’appuie sur l’industrie et sur l’exploitation de peuples entiers, volontaires ou réduits en esclavage. Les opinions sont mobilisées par une propagande habile et le contrôle de l’information est strict. Le commandant en chef japonais n’hésite pas enfin à ordonner des massacres de masse qui annoncent ceux de Nankin. Le système de terreur qu’il institue, l’élimination planifiée des peuples qui se dressent en travers de ses projets, la destruction des religions au profit d’une sorte de culte du chef et jusqu’aux grands rassemblements annoncent même les régimes totalitaires que Driant ne connaîtra pas mais que des auteurs qu’il a sans doute lu, comme Georges Sorel , appelaient de leurs vœux.
Dés 1888, au début de la « La Guerre de Demain », le capitaine Danrit raconte l’invasion allemande par la Lorraine où elle bute sur les fortifications et par la Belgique dont la neutralité est violée. Cette attaque vise à gagner le plus vite possible contre la France, en jouant sur la lenteur de la mobilisation russe contre laquelle l’armée du Kaiser compte se retourner une fois la victoire acquise sur le front occidental. Il ne fallait donc pas être grand clair pour inventer le plan Schlieffen. Il n’est pas exclu que Driant, au courant des activités de la section de statistique de l’Etat Major (ancêtre du 2e bureau), ait connu, peut-être dès son passage au cabinet de Boulanger, la teneur des différents plans alors à l’étude à Berlin. Les combats sous les côtes de Meuse et autour de Liouville, sont également très proches de ceux qui vont avoir lieu plus tard au Saillant de Saint-Mihiel.

Conclusion.

Si 1914 finit par donner raison à Driant, celui-ci n’avait aucun don de divination. Il savait juste lire une carte de géographie, tant au plan tactique qu’au plan stratégique, et dans le domaine international, son intérêt pour la géopolitique et sa culture lui a permis de deviner le dessous des cartes, les endroits chauds du siècle à venir. Et en bon militaire, il en a déduit la manière dont les guerres futures seraient conduites.


De Gaulle Jeune (Bronze)
Centre Charles de Gaulle de Nancy

De Gaulle a lu Driant et il s’est souvenu de lui. Adolescent, dans une rédaction, il se voit arrêtant l’invasion japonaise à la tête des armées française. Alors que Driant décrit une défaite, la France est envahie puis occupée dans « L’Invasion jaune », le futur chef de la France Libre n’accepte pas cet état de fait. Le sursaut n’a pas lieu dans le roman mais un petit groupe de patriote s’est replié en Tunisie et là, dans l’Empire Colonial, il continue la lutte… sans l’Angleterre. C’est le 18 juin de Driant.


« L’Invasion Jaune » (1909) - Epilogue

Driant a-t-il eu la préscience de sa mort. Au-delà de l’anecdote du dernier courrier à sa femme, la puissance de feu ennemie de la « Guerre de Forteresse » annonce la préparation d’artillerie au bois des Caures et le camp retranché « d’Au dessus du continent noir », où une compagnie entière isolée du reste de la colonne se sacrifie capitaine en tête, évoque évidemment le dernier combat de l’écrivain combattant . C’était le premier et l’avant dernier roman. On dit souvent que tel ou tel auteur a du choisir entre la vie et l’écriture et bien Driant aura écrit sa vie et il aura vécu ses livres.


Tombe de Driant au bois des Caures (2010)

Principales œuvres du capitaine Danrit.

- La guerre de demain (Flammarion, 1888-1893, 6 volumes, 3 parties: "La guerre de forteresse", "La guerre en rase campagne", "La guerre en ballon")
- La guerre au XXe siècle; L'invasion noire (Flammarion, 1894, 3 parties: "Mobilisation africaine", "Le grand pèlerinage à la Mecque", "Fin de l'Islam devant Paris")
- Jean Tapin (Série "Histoire d'une famille de soldats", I, Delagrave, 1898)
- Filleuls de Napoléon (Série "Histoire d'une famille de soldats", II, Delagrave, 1900)
- Petit Marsouin (Série "Histoire d'une famille de soldats", III, Delagrave, 1901)
- Le drapeau des chasseurs à pied (Matot, 1902)
- La guerre fatale (Flammarion, 1902-1903, 3 volumes, 3 parties: "A Bizerte", "En sous-marin", "En Angleterre")
- Evasion d'empereur (Delagrave, 1904)
- Ordre du Tzar (Lafayette, 1905)
- Vers un nouveau Sedan (Juven, 1906)
- Guerre maritime et sous-marine (Flammarion, 1908, 14 volumes)
- Robinsons de l'air (Flammarion, 1908)
- Robinsons sous-marins (Flammarion, 1908)
- L'aviateur du Pacifique (Flammarion, 1909)
- La grève de demain (Tallandier, 1909)
- L'invasion jaune (Flammarion, 1909, 3 volumes: "La mobilisation sino-japonaise", "Haines de Jaunes", "A travers l'Europe")
- La révolution de demain (avec Arnould Galopin, Tallandier, 1909)
- L'alerte (Flammarion, 1910)
- Un dirigeable au Pôle Nord (Flammarion, 1910)
- Au dessus du continent noir (Flammarion, 1912)
- Robinsons souterrains (Flammarion, 1913, réédité sous le titre La guerre souterraine)

jeudi 27 janvier 2011

Un texte peu connu des maires : Circulaire du 12 août 2005 relative aux réserves communales de sécurité civile

JORF n°215 du 15 septembre 2005 page 14953
texte n° 8


CIRCULAIRE
Circulaire du 12 août 2005 relative aux réserves communales de sécurité civile

NOR: INTE0500080C

Paris, le 12 août 2005.


Le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, à Madame et Messieurs les préfets de région, Mesdames et Messieurs les préfets de département, Monsieur le préfet de police.
La loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 a créé, avec les nouveaux articles L. 1424-8-1 à L. 1424-8-8 du code général des collectivités territoriales (CGCT), un nouvel outil de mobilisation civique, ayant vocation à apporter un soutien et une assistance aux populations : les réserves communales de sécurité civile.
Ces dispositions sont d'application directe. L'article L. 1424-8-8 prévoit qu'un décret pourra, en tant que de besoin, en préciser les modalités. Le Gouvernement s'inscrit pleinement dans la logique facultative et décentralisée voulue par le législateur. Il souhaite donc favoriser les expérimentations locales de ce nouveau dispositif avant, le cas échéant, d'intervenir par la voie réglementaire.
La présente circulaire a pour objectif de répondre aux principales questions qui se posent, à l'étape actuelle, aux collectivités qui souhaitent expérimenter ce nouveau dispositif comme aux préfectures qui leur apportent aide et conseil. Sont joints en annexe, à titre indicatif, des projets de délibération, d'arrêté et d'acte d'engagement dont peuvent s'inspirer les communes.


1. Missions et champ d'action de la réserve communale


En situation de catastrophe ou de crise, la conduite et l'organisation des secours sont de la responsabilité des services publics qui en ont la mission, et notamment des services d'incendie et de secours. Même si la direction des opérations de secours est assurée par le préfet, l'expérience prouve que le maire reste responsable de l'évaluation de la situation et du soutien à apporter aux populations sinistrées. Il est en général assisté par les membres du conseil municipal, et il mobilise le personnel communal. Il n'est pourtant pas toujours en mesure, faute de préparation et notamment de possibilités d'encadrement, d'engager les bonnes volontés qui se présentent spontanément pour contribuer à la réponse.
C'est l'objectif de la création de la réserve communale de sécurité civile. Bénévole, facultative et placée sous la seule autorité du maire, elle est chargée d'apporter son concours au maire dans les situations de crise, mais aussi dans les actions de préparation et d'information de la population, comme dans le rétablissement post-accidentel des activités. Elle contribue à ces actions en s'appuyant sur les solidarités locales et en les développant. Suivant la volonté de la commune et ses besoins, la réserve pourra être chargée de tout ou partie des missions énumérées à l'article L. 1424-8-1.
La réserve communale a vocation à agir dans le seul champ des compétences communales. Elle ne vise en aucune manière à se substituer ou à concurrencer les services publics de secours et d'urgence. De la même manière, son action est complémentaire et respectueuse de celle des associations de sécurité civile, caritatives, humanitaires ou d'entraide. Elle participe au soutien et à l'assistance aux populations, à l'appui logistique et au rétablissement des activités et contribue à la préparation de la population face aux risques.
La réserve communale peut faire appel à des citoyens de tout âge et de tout métier, pour des missions qui n'interfèrent pas avec les missions de secours proprement dites. Il s'agit, par exemple, de contribuer à l'élaboration, à l'actualisation et à la mise en oeuvre du plan communal de sauvegarde, de veiller à l'information et à la préparation de la population, de participer aux actions de prévention des risques menées par la commune, de prendre en charge l'assistance matérielle aux personnes sinistrées, de les aider dans leurs démarches administratives. Dans ce cadre, la commune veillera à ne doter cette réserve que de moyens directement liés et adaptés à ses attributions et nécessaires à leur accomplissement.
En tout état de cause, le maire devra systématiquement tenir informé le commandant des opérations de secours des actions engagées par la réserve communale, lors d'une intervention.


2. Création et organisation de la réserve communale


La réserve communale est créée par délibération du conseil municipal (art. L. 1424-8-2). Elle est prise en charge financièrement par la commune et placée sous l'autorité du maire. Elle peut cependant être organisée et gérée administrativement en intercommunalité. Elle demeure dans ce cas sous l'autorité d'emploi du maire de chaque commune, au titre de ses pouvoirs de police.
La réserve communale de sécurité civile fournit un cadre juridique de référence, mais chaque commune est libre, en fonction de la situation locale et de ses besoins particuliers, de l'organiser comme elle l'entend. L'utilisation de l'appellation « réserve communale » doit être retenue afin de ne pas laisser penser qu'il s'agit d'une organisation du type de la réserve militaire. La référence en matière d'organisation de la réserve est celle du concours bénévole aux actions municipales. Son efficacité repose sur une couverture du territoire de la commune par quartier ou par hameaux, et sur une chaîne de responsables permettant de relier les bénévoles sur le terrain au maire ou à l'adjoint qu'il aura désigné.
La réserve communale est un nouvel outil mis à la disposition des communes. Il ne faut l'utiliser que s'il est adapté à la réalité communale. Une commune qui dispose d'un centre de première intervention et de sapeurs-pompiers volontaires ou d'une association agréée de sécurité civile n'aura peut-être pas le même besoin d'une réserve de sécurité civile qu'une commune qui n'en dispose pas. Dans ce dernier cas, le maire pourra utilement se rapprocher du chef du centre de première intervention ou des associations concernées afin d'évaluer ses besoins en la matière.
Si une réserve communale de sécurité civile est créée dans une commune ayant obligation de réaliser un plan communal de sauvegarde (art. 13 de la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004) ou décidant de le réaliser, les modalités de mise en oeuvre de cette réserve seront précisées par ce plan.
Afin d'éviter toute interférence avec les missions des sapeurs-pompiers, l'organisation et la mise en oeuvre de la réserve doivent être compatibles avec les règles établies par le règlement opérationnel du SDIS (art. L. 1424-8-2). Je vous demande donc de veiller à ce que tous les actes relatifs à la création et à l'organisation de la réserve, par exemple son règlement intérieur, soient à cette fin adoptés par délibération du conseil municipal ou arrêté du maire, exécutoires seulement après transmission au préfet au titre du contrôle de légalité. Il convient de conseiller aux communes de consulter systématiquement le SDIS sur les projets d'actes concernant la réserve de sécurité civile.


3. Conditions d'engagement à la réserve communale


La réserve communale de sécurité civile est constituée sur la base du bénévolat. Elle est ouverte à toute personne « ayant les capacités et les compétences correspondant aux missions qui leur sont dévolues » (art. L. 1424-8-3). Il n'y a donc pas de critère particulier de recrutement, de condition d'âge ou d'aptitude physique. Tout dépendra des missions confiées par le maire : un ancien du village pourra contribuer à la mémoire des catastrophes, un fonctionnaire retraité à l'aide aux formalités administratives des sinistrés, toute personne de bonne volonté à la surveillance des cours d'eau ou des digues, au débroussaillement ou au déneigement.
La loi prévoit la signature d'un « contrat d'engagement » entre le réserviste et l'autorité communale (art. L. 1424-8-3-II). Il s'agit d'un acte permettant d'établir clairement la situation du bénévole quand il agit comme collaborateur du service public. Cet engagement doit bien sûr être approuvé par le maire, qui demeure le seul juge des « compétences et capacités » requises. L'acte d'engagement constate le libre accord des deux parties. Il ne s'agit en aucune manière d'un contrat de travail ou d'un contrat d'engagement au sens militaire.


4. Statut, droits et obligations des réservistes


Le bénévole agissant au sein de la réserve communale peut être défini comme un « collaborateur occasionnel du service public ». De nombreuses communes recourent déjà à de tels bénévoles, dans le cadre par exemple des comités communaux d'action sociale, des comités des fêtes ou des comités feux de forêt. Bien que « l'auto-assurance » soit possible, ces communes les mentionnent généralement dans leur contrat d'assurance, afin qu'ils soient garantis en cas de dommage ou de préjudice, notamment corporel, subi ou occasionné lors d'activités menées pour le compte de la commune. La commune décidant de se doter d'une réserve communale devra vérifier si ce point est bien prévu à son contrat, afin d'y inclure le cas échéant les membres des réserves communales de sécurité civile.
Outre ces garanties générales apportées aux collaborateurs bénévoles du service public, les articles 33 et 34 de la loi de modernisation de la sécurité civile instituent des droits et obligations particuliers aux réserves communales. Il s'agit des dispositions suivantes :
- article L. 1424-8-4 du CGCT : procédure d'appel aux réservistes ;
- article L. 1424-8-5 : possibilité d'une indemnité compensatrice pour les non-fonctionnaires qui seraient privés de leur salaire du fait d'une mobilisation pendant leur temps de travail ;
- article L. 1424-8-6 : continuité des prestations sociales dans le même cas d'interruption de l'activité professionnelle ;
- article L. 1424-8-7 : réparation des dommages subis à l'occasion du service (disposition confirmant la jurisprudence applicable aux collaborateurs occasionnels) ;
- article L. 122-24-11 du code du travail : autorisation de l'employeur et protection contre les sanctions pour le salarié privé ;
- modifications des statuts des trois fonctions publiques : mise en congé avec traitement dans la limite de 15 jours par an en cas de mobilisation dans la réserve.
La mise en oeuvre de ces dispositions protectrices est strictement soumise à la décision motivée de l'autorité de police compétente prévue à l'article L. 1424-8-2 du CGCT. Elles doivent rester réservées aux seules situations de crise nécessitant une mobilisation impérieuse de la réserve.
En dehors de ces situations exceptionnelles, la participation aux activités de la réserve communale obéit aux principes habituels du bénévolat, dans la seule limite de la disponibilité du réserviste et de la responsabilité de l'autorité d'emploi de la réserve.


5. Equipement et financement de la réserve


La réserve est à la charge de la commune. La possibilité d'une participation financière d'autres collectivités est cependant possible (art. L. 1424-8-2). Des aides au fonctionnement ou à l'équipement de la réserve peuvent ainsi être sollicitées par la commune. Certaines actions menées par les réserves en matière de prévention, de formation ou de sensibilisation peuvent également trouver leur place dans des programmes éligibles aux aides des départements, des régions, de l'Etat ou de l'Europe. De la même manière, la commission des élus compétente en la matière a la possibilité de vous proposer d'accorder pour les équipements qui y seraient éligibles des subventions au titre de la DGE des communes.
Mais la réserve consiste pour l'essentiel à organiser les bonnes volontés locales. Elle a vocation à aider le maire et l'équipe municipale à accomplir leur mission, et pas à constituer une charge nouvelle. Sauf mission particulière que voudrait lui confier la commune, la création d'une réserve de sécurité civile ne supposera en règle générale ni matériel lourd, ni équipement particulier, ni tenue spécifique. Dans les situations qui le justifieraient, il peut être utile de distribuer un signe distinctif, de type brassard ou dossard, à condition qu'il n'introduise aucune confusion avec les services chargés du secours, de l'urgence ou de la sécurité.


6. Intervention de la réserve communale
hors des limites de la commune


Le champ d'action de la réserve est celui des compétences municipales et du territoire communal. Des événements catastrophiques peuvent cependant justifier une action de solidarité hors des limites de la commune. La loi ne l'interdit pas, sous réserve que soient respectées les dispositions des articles L. 1424-8-1 (« Elles sont mises en oeuvre par décision motivée de l'autorité de police compétente ») et L. 1424-8-2 (« La réserve communale de sécurité civile est placée sous l'autorité du maire »).
Dans le cas où la réserve est organisée en intercommunalité, comme le permet l'article L. 1424-8-2, l'intervention de la réserve intercommunale au bénéfice d'une commune membre est l'un des objets mêmes de cette organisation intercommunale. Elle devra toutefois s'effectuer dans le respect des compétences de police de chaque maire.
Dans les autres cas, il conviendra de veiller à ce que cet éventuel renfort ne soit engagé, conformément à ses compétences, qu'à la triple condition :
- qu'une demande expresse ait été formulée par le directeur des opérations de secours, autorité de police compétente (maire de la commune sinistrée ou préfet) ;
- que la décision d'engagement soit prise par l'autorité d'emploi de la réserve (maire de la commune d'origine) ;
- qu'un accord préalable soit intervenu sur les modalités de répartition de la charge financière éventuelle.
Vous voudrez bien me tenir informé sous le présent timbre de toute initiative de création de réserve communale de sécurité civile dans votre département et me saisir de toute question complémentaire qui vous paraîtrait nécessaire.

Article Annexe

A N N E X E 1
DÉLIBÉRATION CRÉANT
LA RÉSERVE COMMUNALE DE SÉCURITÉ CIVILE


La loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile souligne notamment que la sécurité civile est l'affaire de tous. Elle rappelle que si l'Etat est le garant de la sécurité civile au plan national, l'autorité communale joue un rôle essentiel dans l'information et l'alerte de la population, la prévention des risques, l'appui à la gestion de crise, le soutien aux sinistrés et le rétablissement des conditions nécessaires à une vie normale.
Pour aider l'autorité municipale à remplir ces missions, la loi offre la possibilité aux communes de créer une « réserve communale de sécurité civile », fondée sur les principes du bénévolat et placée sous l'autorité du maire, dans les conditions fixées par les articles L. 1424-8-1 à L. 1424-8-8 du code général des collectivités territoriales.
Cette réserve de sécurité civile a vocation à agir dans le seul champ des compétences communales, en s'appuyant sur les solidarités locales. Elle ne vise en aucune manière à se substituer ou à concurrencer les services publics de secours et d'urgence. De la même manière, son action est complémentaire et respectueuse de celle des associations de sécurité civile, caritatives, humanitaires ou d'entraide.
Le conseil municipal, après en avoir délibéré, décide de créer une réserve communale de sécurité civile, chargée d'apporter son concours au maire en matière :
- d'information et de préparation de la population face aux risques encourus par la commune ;
- de soutien et d'assistance aux populations en cas de sinistres ;
- d'appui logistique et de rétablissement des activités (1).
Un arrêté municipal en précisera les missions et l'organisation.

(1) Ces missions sont les missions types d'une réserve communale, il appartient au conseil municipal, en fonction des situations locales, de retenir celles qu'il souhaite, ou de les préciser.

A N N E X E 2
ARRÊTÉ PORTANT ORGANISATION
DE LA RÉSERVE COMMUNALE DE SÉCURITÉ CIVILE


Le maire de la commune de....,
Vu le CGCT, et notamment ses articles L. 1424-8-1 à L. 1424-8-8 issus de la loi de modernisation de la sécurité civile n° 2004-811 du 13 août 2004 ;
Vu la délibération du conseil municipal en date du....,
Arrête :
Art. 1er. - Il est institué dans la commune une réserve communale de sécurité civile.
Art. 2. - La mission de la réserve communale de sécurité civile est d'apporter, dans le champ des compétences communales, son concours au maire en matière :
- d'information et de préparation de la population face aux risques encourus par la commune ;
- de soutien et d'assistance aux populations en cas de sinistres ;
- d'appui logistique et de rétablissement des activités.
(Les missions fixées par la délibération peuvent être ici précisées et détaillées.)
Art. 3. - L'organisation et le fonctionnement de la réserve communale sont déterminés par un règlement intérieur qui sera approuvé par arrêté du maire.
Art. 4. - Tout habitant de la commune a vocation à pouvoir être intégré, sur la base du bénévolat, à la réserve communale. Il y est admis par décision du maire mentionnée à l'article 5. Cet engagement est formalisé par la signature conjointe d'un acte d'engagement à la réserve.
Art. 5 (optionnel). - M. ou Mme X, adjoint(e) au maire, est chargé, sous l'autorité du maire, d'organiser et de diriger l'action de la réserve communale. Il reçoit délégation afin de signer avec chacun des réservistes l'acte d'engagement à la réserve.
Art. 6. - Le secrétaire de mairie, ..., sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'application du présent arrêté, dont ampliation sera adressée à M. le préfet, à M. le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie de secours, ...


A N N E X E 3
ACTE D'ENGAGEMENT
DANS LA RÉSERVE COMMUNALE DE SÉCURITÉ CIVILE


M. ou Mme Y
Prénom :
Date de naissance :
Domicile :
Profession et adresse de l'employeur :
Téléphone fixe :
Téléphone portable :
Le soussigné sollicite son engagement en tant que bénévole à la réserve communale de sécurité civile de la commune de :
Il reconnaît avoir pris connaissance des missions de la réserve et accepter son règlement intérieur. Il s'engage, dans la limite de son temps disponible et sur la base du bénévolat, à participer aux activités de la réserve.
En cas de sinistre il s'engage, sauf cas de force majeure, et sous réserve de l'accord de son employeur si c'est pendant son temps de travail, à répondre à toute mobilisation par le maire ou son délégué.
La durée de cet engagement est fixée à un an (ou plus dans la limite de cinq ans). Il est renouvelable par tacite reconduction. L'engagement peut être interrompu à tout moment, soit par démission, soit par décision du maire.
(Le cas échéant : « En cas de cessation de l'engagement, M. ou Mme Y remet au responsable de la réserve communale les matériels ou équipements qui auraient pu lui être confiés au titre de ses missions au sein de la réserve. »)


Signature de l'intéressé


Le maire accepte l'engagement de M. ou Mme Y à la réserve communale de sécurité civile à compter de (date).


Signature du maire


Nicolas Sarkozy



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mercredi 26 janvier 2011

« Les nanotechnologies : enjeux et applications pour la défense »

Objet : Conférence du mercredi 2 février 2011 à Nancy



Chère amie, cher ami


Vous êtes conviés à participer à la réunion avec conférence qui aura lieu le mercredi 2 février 2011 à 19 heures, salle d’honneur des universités – 11 place Carnot - à Nancy. L’accueil sera assuré entre 18h 45 et 19h10.

Cette conférence aura pour thème « Les nanotechnologies : enjeux et applications pour la défense » et sera animée par M. l’ingénieur général Dominique LUZEAUX, directeur des programmes d’armements terrestres à la Délégation Générale de l’Armement.

Elle se poursuivra, pour ceux qui le désirent et sur réservation, par un dîner de cohésion qui sera servi à partir de 21h 00 dans un restaurant situé à proximité. (prix du repas : 25 €).

Pour des raisons d’organisation, je vous prie de bien vouloir me renvoyer par courriel ou par voie postale votre coupon-réponse avant le samedi 29 janvier 2011. Seuls les membres qui auront réservé et payé leur repas pourront le prendre sur place.

Bien amicalement.





Signé J-Ch. HUGUEL
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Bulletin-réponse à renvoyer à Christophe HUGUEL 63, rue de la frontière, 57550 MERTEN
avant le samedi 29 janvier 2011

Monsieur/Madame ……………………………………………………(Nom/prénom)
Accompagné de ……. personnes

Participera (ont)/ ne participera pas à la réunion
Participera (ont) au dîner /ne participera pas au dîner
Joint 1 chèque de …. . x 25 € = ………€ à l’ordre de l’IHEDN/Lorraine

Date : Signature

lundi 24 janvier 2011

Lettre de l’Association de Soutien à l'Armée Française (11/01/2011)

« Ne pas subir »(Maréchal Jean de Lattre de Tassigny)

Médias et guerres asymétriques.

La liberté d’informer est un droit imprescriptible de nos démocraties. Les pays où elle peut s’exercer librement représentent à peine un tiers des états membres des Nations Unies. Elle constitue un formidable atout de nos systèmes politiques, indispensable élément d’ouverture et de connaissance, condition essentielle des choix démocratiques, et inestimable garantie contre les abus et le retour des dictatures.
Autant dire qu’elle doit être protégée contre vents et marées. Mais cette liberté d’informer a un prix. Ceux qui ont la charge et le privilège de la mettre en œuvre ont en effet la responsabilité éthique et morale d’en faire bon usage. C’est d’autant plus vrai que le pays est confronté à la menace d’une crise économique et sociale majeure et que ses forces armées sont engagées dans une guerre difficile en Afghanistan et au Sahel, contre un ennemi dont les repères moraux, religieux, politiques et sociaux sont à des années lumière des nôtres.
En d’autres termes, aujourd’hui plus que jamais, il est important de résister à la dictature du tirage ou de l’audimat qui privilégie d’abord l’émotion, le sensationnel, la démagogie ou le voyeurisme et donne une image biaisée des enjeux et de la réalité. Sans compter que l’obsession du scoop contribue parfois à mettre nos forces en difficulté, faisant la part belle à leurs adversaires, dont il arrive qu’on brosse un tableau scandaleusement positif.
Cette tendance est vécue comme une véritable trahison par un nombre croissant de Français.
Tout le monde garde en mémoire le sordide reportage de Paris Match, réalisé peu après le combat d’Uzbin, qui coûta la vie à 10 militaires français. Nos concitoyens l’ont unanimement condamné tant il était insultant pour nos soldats. Les terroristes, dont on connaît pourtant la cruauté et qui tiennent lâchement en otage leur population, étaient présentés sous un jour honteusement flatteur.
De retour en France, les militaires du 8e R.P.I.Ma, durement éprouvés par la mort au champ d’honneur de huit de leurs jeunes frères d’armes, avaient mal vécu l’insidieuse polémique lancée par de faux experts convoqués par les médias qui glosaient à perte de vue sur la jeunesse des paras, leur insuffisante préparation, la faiblesse de leurs protections et la responsabilité de leurs chefs.
Récemment encore, nombre de médias ont relayé une polémique sournoise, sur les conditions exactes de la mort d’un des deux jeunes Français pris en otages au Sahel, allant jusqu’à mettre en cause non seulement la décision prise par la France, mais également les forces qui ont mené l’opération.
Preuve d’une approche démagogique de ces affaires d’otages, certains médias laissent parfois croire que les terroristes pourraient généreusement libérer nos deux journalistes retenus en Afghanistan ou qu’ils épargneront les touristes capturés au Sahel, alors que ces prisonniers constituent à la fois une monnaie d’échange politique (les dernières menaces d’Al Qaïda le montrent) et l’instrument d’une formidable propagande à laquelle se prêtent complaisamment les médias français.
Ce travail de sape quotidien, sous couvert de libre information, mine l’opinion publique en instillant le doute et la lassitude. A terme, cette complicité pourrait même être de nature à infléchir la politique française pour un coût dérisoire.
En définitive, ce que l’on entend et voit dans nos médias sur ces conflits ne sert-il pas davantage nos adversaires que nos forces ? Est-il acceptable que les communiqués d’AQMI, entreprise criminelle par excellence, soient diffusés au même titre que ceux des responsables de la nation?
N’est-il pas consternant de voir que certains médias ne mettent pas en cause les preneurs d’otages assassins des deux jeunes, mais plutôt les soldats français qui ont risqué leur vie pour les libérer ? On pourrait même aller plus loin et s’interroger s’il est légitime qu’au nom de la libre information et de l’objectivité on se laisse aller à traiter sur le même plan, nos forces et les meurtriers de l’organisation terroriste d’AQMI.
Toute la nation doit participer à cette nouvelle guerre de 30 ans : il en va de sa liberté, de sa sécurité et de son honneur. Affichons donc clairement notre détermination en honorant comme il se doit les soldats tombés pour nous dans ces guerres qui ne veulent pas dire leur nom.
Au passage, les professionnels de l’information seraient également bien inspirés de résister au corporatisme qui semble faire de leurs collègues journalistes victimes des terroristes ou des Talibans, une caste à part, digne de la compassion particulière de la nation. Alors que les soldats français, pourtant envoyés en Afghanistan par la République, où ils sont engagés pour notre sécurité, n’ont droit, quand ils sont tués au combat ou blessés, qu’à quelques maigres entrefilets dans les journaux et à d’éphémères et laconiques brèves aux informations télévisées, y compris sur celles des chaînes de l’Etat.
Commémorer les soldats sacrifiés dans un combat pour notre sécurité avec au moins autant de constance et de recueillement que les journalistes chargés de l’information et victimes de leur métier ou que des touristes surpris au cours de leurs vacances, voilà qui serait la preuve que notre esprit de défense se porte bien, et que tous ensemble, nous sommes déterminés à ne pas subir la loi de la terreur.
Mais nous pourrions faire plus pour ceux qui sont morts pour notre sécurité. Pourquoi ne pas projeter la nuit, sur les piliers de l’Arc de Triomphe, le visage de ces soldats? Ils doivent être connus, reconnus et fièrement honorés par l’ensemble des Français ; leur mort n’est pas un fait divers, c’est un sacrifice accepté par et pour la France.

(ASAF : 18 rue de Vézelay-75008 Paris – secretariat@asafrance.fr - site :www.asafrance.fr)